mardi 10 février 2015

5 raisons pour lesquelles les droits des animaux sont une question féministe


(Traduction de l'article 5 Reasons For Why Animal Rights Are A Feminist Issue)


Source: Jennings Wire

Les droits des animaux sont une question féministe. Voilà, je l’ai dit.

En réalité, la chosification et l’exploitation des vies et des corps des animaux devrait faire l’objet d’une attention particulière de la part des féministes vu que le féminisme consiste avant tout à se battre contre la manière dont le patriarcat rejette les intérêts et la subjectivité de certains au bénéfice d’êtres arbitrairement désignés comme étant « supérieurs ».

Ce qui est encore plus terrifiant est que la vulnérabilité perçue des animaux est utilisée comme justification implicite pour abuser d’eux.

En d’autres mots, puisque les animaux ne peuvent se défendre, nous donner ou refuser leur consentement, ou s’organiser en opposition, nous, en tant qu’humains, pensons que nous sommes libres de leur faire ce qu’il nous plaît, généralement sous couvert de « protection » de leurs intérêts.
Un nombre de barrières empêchent généralement beaucoup d’entre nous de voir la situation envers les animaux comme étant oppressive. Par conséquent, la raison pour laquelle certaines féministes voient cela comme une question féministe peut ne pas sembler évidente.

Mais cela est bel et bien une question féministe. Voici les 5 raisons en faveur de la question.

1. Les corps des animaux, aussi, sont chosifiés.

Etre chosifié signifie que notre corps et notre vie existent pour les plaisirs et bénéfices de quelqu’un d’autre.

En tant que féministes, la plupart d’entre nous sommes plutôt convaincues de la rhétorique de la marchandisation lorsqu’il s’agit des corps des femmes dans les médias. Par exemple, nous savons que les femmes sont régulièrement réduites à des accessoires sexys dans les récits masculins. Nous savons également que les femmes sont régulièrement violées, battues, harcelées, et assassinées car nous avons tendance à être vues comme des objets de plaisir pour les hommes, au lieu de sujets pleinement sensibles qui éprouvent eux-mêmes du plaisir.

Comme le décrit Jean Kilbourne, « … transformer un être humain en une chose, un objet, est la plupart du temps la première étape pour justifier la violence envers cette personne. »

Lorsque vous chosifiez des corps, vous voyez ces corps comme des choses qui vous serviront dans un but précis.

De manière similaire, les corps des animaux non-humains sont réduits à des objets de chair (littéralement) qui peuvent être consommés, ou utilisés dans des projets scientifiques douloureux ou immoraux.

Les corps des animaux sont vus comme « moins que rien ». Ils ne sont pas culturellement vus comme des êtres indépendants expérimentant la douleur, le plaisir, et une série d’émotions, et qui existent en réseaux sociaux. A cause de cela, les animaux endurent des systèmes horribles de violence qui souvent ne sont même pas remis en question.

Être chosifié explique pourquoi tant d’industries utilisent des souris, singes, cochons, lapins, et autres animaux non-humains dans d’horribles tests scientifiques, car nous sommes conditionnés à n’avoir aucune considération pour eux. Cela explique pourquoi les animaux non-humains ont enduré des conditions difficiles dans l’industrie du divertissement comme Sea World ou même les singes dans les films et publicités, pour que les humains puissent en rire.

Cela devient culturellement inconfortable pour nous lorsque nous envisageons que les animaux non-humains ont des émotions, peuvent connaître la douleur, la dépression, etc.

La chosification des animaux a connu un tel succès qu’ils sont entièrement dépouillés de leur subjectivité : ils existent pour nous.

2. Les corps des animaux sont utilisés pour normaliser la culture du viol.

Les animaux sont sexués. Les tortures infligées aux animaux, donc, seront spécifiques selon leur sexe et il n’est pas étonnant que pour les femelles, leur capacité à mettre bas dictera massivement la manière dont leurs corps seront contrôlés. 

L’élevage intensif, et même les techniques utilisées dans les « petites fermes », institutionnalise les rapports sexuels forcés et les systèmes violents d’oppression. La majorité des animaux qui sont tués chaque année sont abattus par le système d’élevage industriel. Les femelles endurent une vie de viols successifs et de grossesses perpétuelles et, lorsqu’elles sont « usées », elles sont abattues.

« Les supports à viol » - un terme industriel existant pour le système utilisé pour immobiliser les animaux durant l’insémination – sont utilisés pour garantir l’imprégnation constante d’animaux comme les vaches et les cochons, alors que les poules sont élevées pour produire un nombre astronomique d’œufs, ce qui représente un stress incroyable pour leurs corps, provoquant de douloureux maux du système reproductif tel que la ponte interne et des maladies.

En tant que féministes, la consommation des corps d’animaux non-humains violés et torturés, alors que nous nous battons contre la culture du viol, semble être un sujet sur lequel nous méritons de nous pencher.

Il existe également l’autre problème du contrôle institutionnalisé des corps des femmes….

3. La violence domestique heurte les animaux.

Selon un article du New York Times intitulé, “L’abus envers les animaux comme indice pour d’autres cruautés”, Diana S. Urban, représentante de l’état du Connecticut, a déclaré que « l’abus envers les animaux est l’une des quatre pistes que les profilers du FBI utilisent pour déterminer les futurs comportements violents. »

Il existe une corrélation évidente entre le fait de faire du mal aux animaux non-humains tôt dans votre vie, et d’ensuite faire du mal aux humains.

L’American Humane Association déclare que dans les 88% des foyers ayant présenté un cas d’abus sur mineur, des cas d’abus sur animaux étaient également recensés. Chez les femmes cherchant des refuges, près de la moitié ont déclaré que leurs partenaires violents les avaient menacées de faire du mal à leur animal de compagnie.

La corrélation entre la violence envers les femmes et enfants, et la violence envers les animaux non-humains, démontre la manière dont le patriarcat heurte ceux d’entre nous qui sommes minorisés et bien souvent sans défense.

En réalité, beaucoup de foyers et refuges pour femmes battues acceptent les animaux non-humains. Il est prouvé que les femmes ont tendance à ne pas quitter leur partenaire abusif si elles ne peuvent pas emmener avec elles leur animal de compagnie, par peur pour la sécurité de leur animal. A cause de cette forte corrélation entre la violence envers les femmes, et la violence envers les animaux non-humains, la plupart des états ont instauré des peines criminelles pour cruauté animale.

La violence est intersectionnelle, donc nos mouvements pour mettre fin à la violence se doivent de l’être également. Les animaux non-humains souffrent également sous le système patriarcal.

En parlant d’intersectionnalité….

4. L’intersectionnalité doit inclure tous les groupes opprimés.

Il n’est pas rare de trouver des commentaires de féministes qui ne proclament pas quelque part que « même les animaux sont mieux traités que les femmes ! ». Même dans d’autres endroits de manifestations, comme chez les manifestants de Fergusson récemment, on peut trouver des phrases comme « un chien aurait eu plus de respect que Mike Brown ! ».

Le langage entourant les animaux non-humains utilise en permanence une hiérarchie morale qui suggère que certains corps ont plus de valeurs que d’autres, suggérant par la suite que le sort de certains groupes est plus important ou significatif que d’autres.

On retrouve une attitude similaire dans les discours entourant également les humains lorsque nous assumons que le combat d’un groupe pour des droits demande notre attention avant ceux d’un autre groupe se battant pour ses droits, ou qu’un groupe mérite un meilleur traitement par rapport à un autre malgré le fait que les deux groupes soient opprimés.

On trouve un bon exemple de cela dans le féminisme radical trans-exclus dans lequel les cis-féministes excluent les personnes trans car elles ne pensent pas que les personnes trans subissent l’oppression de la même manière.

Ou bien certaines féministes blanches qui ne pensent pas que le racisme doive avoir une place dans leur agenda féministe car l’oppression des « genres » est une question plus urgente, malgré le fait que les femmes de couleur subissent une oppression racialisée du genre.

L’intersectionnalité est un développement théorique qui nous aide à gérer ce genre d’attitudes. L’intersectionnalité aide à déceler les connections entre des systèmes d’oppression.

La réalité est là : les gens de couleur, les femmes, les personnes handicapées, la communauté LGBTQIA+ (ndt : lesbienne, gay, bisexuel, transgenre, « queer », intersexué, et asexué) etc, subit cela. Et les animaux aussi subissent cela, surtout ceux jugés utiles dans la mesure où ils sont consommés, que ça soit pour leur chair ou pour leurs secrétions.

Il est ridicule d’essayer de “classer” l’oppression que subit chaque groupe, ou d’assumer que toute notre attention doit se concentrer sur le sort d’un seul groupe, ou d’assumer que si la plupart de notre attention se concentre sur un certain groupe à un moment donné, cela devrait signifier que les autres groupes sont moins importants ou « ont moins de mal ».

Toutes ces sphères d’oppression sont des sous-produits du même mal systémique, un mal qui est fortement ancré dans le patriarcat suprématiste blanc.

Déclarer que l’un de ces groupes est « mieux traité » qu’un autre revient à complètement passer à côté du fait que ces oppressions sont entrelacées et dépendent même l’une de l’autre.

5. Notre société propage également des mensonges sur les animaux.

En tant que féministes, la plupart d’entre nous savent déjà que des discours culturels sont utilisés pour naturaliser des comportements problématiques.

Nous savons que prétendre que “les garçons seront toujours des garçons » est une manière de détourner le regard sur le fait que les hommes peuvent s’en tirer malgré des comportements violents, destructeurs. Il est plus facile de dire « que les hommes sont naturellement comme cela » que de confronter des systèmes de genre qui produisent des corps culturels qui agissent d’une manière spécifique.

Nous voyons également ces discours qui déclarent que « les hommes sont juste plus portés sur le sexe que les femmes » pour expliquer pourquoi les films affichent principalement des femmes nues et non des hommes nus. Nous utilisons ce même discours pour justifier le viol. C’est une manière de naturaliser les relations asymétriques de pouvoir sexuel.

De manière similaire, on trouve ce genre de discours dans le cadre de la consommation d’animaux, qui naturalise d’horribles systèmes d’oppression. Beaucoup de personnes déclarent qu’ « elles ne pourraient jamais se passer de viande » ou « qu’elles ne pourraient jamais devenir vegan car elles adorent trop le fromage ».

Bien que le fromage et les hamburgers puissent avoir très bon goût, ce genre de discours ignore la réalité systémique sur le fait que les animaux non-humains sont torturés, abattus, et violés pour que nous puissions manger pour satisfaire nos addictions au goût.

L’apathie envers la violence ne devrait jamais être encouragée dans tout mouvement de justice sociale.

Les discours culturels perpétuent des mythes et traditions. Par exemple, on entend souvent le discours commode que les bonnes protéines se trouvent seulement dans les corps des animaux malgré le fait qu’il existe d’aussi bonnes sources de protéines ailleurs.

Considérez également le mythe déclarant que tuer un animal « humainement » est d’une certaine manière mieux que les conditions d’élevage industriel, un mythe étrange considérant que « humainement » et « tuer » sont dans la même phrase, et que l’abus est également omniprésent dans les « petites fermes ».

Les discours nous permettent de nous sentir à l’aise avec des comportements problématiques. Ils nous permettent d’ignorer nos responsabilités par rapport aux choix que nous avons le pouvoir de faire.

***

En tant que féministes, nous nous devons de politiser même les choses anodines de notre vie, comme la nourriture que nous consommons. La Dr. A. Breeze Harper, créatrice du projet Sistah Vegan, déclare :
“Je ne peux tout simplement pas voir la nourriture comme un « objet journalier anodin ». Je vois les significations appliquées à la nourriture comme quelque chose qui représente les idéologies d’une culture entière en regard de toute chose. Par exemple, la nourriture peut me raconter les espérances d’une société par rapport à la sexualité, les rôles des genres, les hiérarchies raciales du pouvoir et de la compétence. »

Se pencher sur les questions critiques concernant notre alimentation, de même que réexaminer les corps dont nous parlons dans notre théorie féministe est l’une des premières étapes pour décoloniser nos esprits et nos corps du patriarcat suprématiste blanc.

Voici d’autres sites à découvrir si vous voulez en apprendre plus sur la question :
Remerciements spéciaux à Syl Ko pour m’avoir aidée avec cet article.

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