lundi 26 mars 2012

[Traduction] La liberté de subir un préjudice.

(Traduction de l'article de Rob Johnson, "The Freedom to be prejudice")
 
Liberté d’expression

Une chose est claire lorsque vous discutez avec des militants des animaux – la liberté d’expression est un concept important. N’importe quel militant pour le compte des non-humains doit être d’accord avec de telles idées pour deux raisons :

a)   Les humains sont des animaux, et donc on ne devrait pas leur refuser les droits fondamentaux que leurs intérêts requièrent, et
b)   Le militantisme pour les animaux pourrait largement être réduit au silence sans de telles libertés. La majorité des personnes dans notre société marque son accord sur l'exploitation animale de manière générale, et la liberté d'expression défend principalement la liberté de s'exprimer par rapport à une position impopulaire.

Où nous limitons nos libertés individuelles

La liberté d’expression s’arrête là où d’autres droits, plus vitaux, sont enfreints. Nous ne permettons pas aux gens de proférer des slogans racistes ou homophobes quand ça leur chante, par exemple, vu les dégâts que cela provoque. Nous voyons toujours des gens assassinés parce qu’ils étaient de la mauvaise couleur, et des écoliers se suicidant parce qu’ils étaient attirés par le mauvais sexe. Défendre le droit des gens à proférer des slogans racistes ou homophobes au visage des autres est donc un extrême de la liberté d’expression que beaucoup rejetteront sur base rationnelle. Oui nous devrions avoir le droit de dire ce que nous pensons avoir de l’importance – mais pas lorsque ce discours est irrationnel, et constitue quelque chose qui fait du tort à d’autres personnes de manière substantive.

Mettre une limite

La ligne tracée entre la liberté d’expression et le discours haineux (les exemples utilisés plus haut) est fort mince. La seule garantie que l’étiquetage d’un commentaire soit correcte, est lorsque nous engageons cette opinion et écoutons les réactions. Par exemple, nous avons écouté le point de vue que les noirs ont moins le droit d’être au Royaume-Uni que les blancs, nous n’avons trouvé aucune preuve soutenant cela (quelle preuve pourrait-il y avoir ? Rien d’autre si ce n’est le préjugé est fourni), et par la suite nous devrions rejeter et/ou contrer les incidences en conséquent.

Cette étape d’engagement est cependant importante. Nous devons engager ces positions, sinon nous maintenons seulement nos préjugés personnels pour les détruire. C’est le problème, pas la solution. Cependant, une fois que nous savons qu’une position est résolument immorale (comme le commentaire par rapport aux noirs ayant moins de droit de résider au Royaume-Uni que les blancs) nous n’avons pas à nous sentir obligés de l’entendre à nouveau. Et en effet, si nous commençons à l'engager encore et encore, à créer des forums en public où nous discutons avec des racistes connus sur le sujet, à écrire des articles dans lesquels nous considérons la question, ou à promouvoir la personne clamant cela afin de démarrer un débat, nous faisons totalement fausse route.

Cette erreur est née d’un malentendu par rapport au fonctionnement de la société. Ce n’est pas une déclaration controversée de supposer que les humains, de manière générale, gravitent vers ce qui est moralement juste (une fois que c’est découvert). Cependant, si cette chose moralement juste est déformée jusqu’à être promue comme une différence d’opinion, plutôt qu’une différence entre le préjudice et la rationalité comme c’est réellement le cas, alors vous ne donnez automatiquement aux gens qui maintiennent cette croyance aucune raison de changer d’avis. De manière similaire, vous donnez aux nouvelles personnes entrant dans le débat, sans réelle opinion, l’idée que leurs propres préjugés sur la question peuvent être maintenus de manière acceptable.

La tyrannie de la majorité des ‘défenseurs des animaux’

Cela nous enseigne quelque chose par rapport à l’éthique animale. En particulier, cela nous apprend quelque chose par rapport au débat abolitionniste-neo welfariste.

Le neo-welfarisme est aujourd’hui la norme. Tous les grands groupes promeuvent le neo-welfarisme, et ce malgré le fait que cela ne crée pas un grand nombre de vegans ( < 00,5% de la société est végane à un moment donné – donc ça ne parle pas aux non-vegans), la plupart des vegans sont donc d’accord avec le discours neo-welfariste ‘toute action pour les animaux est bonne à prendre’ et au moins cela ‘fait de la publicité pour le sort des animaux’. Ils pensent cela, de manière compréhensible, à cause de leurs propres anecdotes, ils sont devenus vegan de cette manière, ou par rapport à d’autres vegans qu’ils connaissent qui le sont devenus de cette manière. Ils ne considèrent pas la théorie de l’abolitionnisme, qui pointe les raisons pour lesquelles le neo-welfarisme crée un mur entre le véganisme et 99.5% de la société – et ils n’ont pas besoin de le faire car le neo-welfarisme reste la norme et est encore promu/perpétué par la plupart des militants des animaux.

Vu l’irrationalité du neo-welfarisme, (comme discuté en long et en large sur ce site, avec des articles traitant du problème des campagnes ciblées jusqu’aux articles traitants des campagnes de régulation du bien-être), on pourrait être pardonné de le pointer comme l’un des grands problèmes de la société – et d’estimer qu’il s’effondrera  rapidement et naturellement au fur et à mesure que les gens apprendront la vérité. Il y a beaucoup à dire par rapport à cette prédiction (si les militants informés sont actifs pour y arriver), et le fait que l’abolitionnisme soit passé d’un mouvement marginalisé inconnu à un mouvement social bourgeonnant est peut-être un signe de changement. Cependant, il y a une grande différence entre la question animale en gros, et tous les autres changements sociaux de l’histoire.

La tyrannie de ceux ayant voix

Pensez à l’abolition de l’esclavagisme dans le monde occidental, l’octroi de droits égaux aux femmes et aux gens de couleur, la dé-stigmatisation progressive de l’homosexualité…ils fournissent tous des niveaux de liberté aux êtres humains. Pour toutes ces questions, les gens ont commencé à abandonner leur volonté de s’accrocher à des préjugés, et ont abandonné leur foi en leurs diverses preuves anecdotiques qui, pensaient-ils, prouvaient qu’ils ‘avaient raison d’avoir ces préjugés’. Ils ont fait cela (du moins en partie) parce qu’il devenait socialement intolérable d’avoir à défendre un préjugé et donc de faire du tort à votre réputation sociale (les interactions sociales étant manifestement précieuses dans toute culture humaine), mais qui plus est, ces mouvements d’égalité se sont répandus car les personnes souffrant dans n’importe lequel de ces groupes oppressés pouvaient aborder l’oppresseur par rapport à cela. Comment défendez-vous votre propre préjugé directement face à la personne contre laquelle vous l’avez ? Au fur et à mesure que les femmes, personnes de couleur et homosexuels exprimaient de plus en plus leurs intérêts, cela créa toutes sortes de penchants sociaux pour faire ce qui est juste. Et à le faire rapidement.

Le problème que nous avons avec les animaux est qu’ils ne parlent pas le langage humain. Il est peu probable qu’un cochon vous approche pour vous parler de votre préjugé le considèrant comme un morceau de viande à manger, plutôt que comme un individu qui mérite sa propre vie. Ainsi, il incombe à ceux d’entre nous ayant voix de commencer à parler. Cependant, vu l’absence de voix venant des oppressés du  spécisme, cela crée toutes sortes de problèmes qui nous demandent d’aborder l’abolition du spécisme d’une manière légèrement différente que si nous nous élèverions contre le racisme. La similitude cruciale cependant est d’être sans équivoque dans la manière dont nous condamnons le préjudice.

Ce qui est le plus problématique pour les animaux n’est, ironiquement, pas ceux qui sans le savoir se livrent au spécisme en consommant des produits animaux (ce sont les symptômes du spécisme, et cèderont au fur et à mesure que l’antispécisme grandira, et que l’éducation végane maintiendra sa croissance – c’est de la théorie sociale de base). Ce qui est le plus problématique ce sont les militants qui reconnaissent le problème du spécisme et qui pourtant n’adoptent pas une position sans équivoque, ne sont pas des antispécistes sans équivoque et donc finissent par ralentir tout mouvement pour l’égalité. Ce sont les cas problématiques pour les animaux. La seule chose dont nous soyons certains par rapport au changement social est qu’il agisse comme une boule de neige – si un mouvement est rationnel, alors au fur et à mesure que des personnes s’impliqueront, au plus de personnes seront susceptibles de s’impliquer dans une question sociale. Il se déplace comme une boule de neige, gagnant de l’allure. Les gens qui promeuvent des réformes de bien-être ou des campagnes ciblées freinent cette boule de neige. De même, les gens qui cherchent à accroitre le dialogue au nom du welfarisme et des campagnes ciblées sans constamment pointer leur irrationalité finissent par légitimer les normes, et nous maintiennent au même endroit moral.

Utiliser les idéaux libéraux humains à tort

Ce problème ne s’est jamais présenté de manière significative auparavant pour de nombreuses questions de changement social, car les oppressés pouvaient toujours revendiquer leurs intérêts eux-mêmes – ils ne devaient pas donner les pleins pouvoirs aux militants privilégiés pour faire des réclamations douteuses en leur nom, et donc ralentir ou entraver le mouvement pour leur égalité. Martin Luther King n’a pas dû laisser les gens blancs de classe moyenne décider de faire campagne seulement contre les attitudes racistes dans les transports publics pour leurs propres raisons stratégiques – à la place, les oppressés prirent eux-mêmes la parole, et dénonçaient le préjugé pour ce qu’il était.

Mais voici ce qui se passe pour les droits des animaux. Les animaux ne peuvent pas parler et dire ‘Des plus grandes cages ? Sortez-moi de cette fichue cage !’ ou ‘Mettre fin à l’exploitation de la fourrure ? Quid de toute l’exploitation, je n’ai pas moins de valeur qu’un phoque !’. Et donc les militants des animaux ne sentent manifestement pas le besoin d’avoir à écouter les intérêts des animaux. Ils incluent en conséquence le spécisme dans leur militantisme, sur le plan tactique, basé sur leur propre preuve anecdotique qu’ils sont devenus vegan avec ce genre de campagnes etc.

Et qui plus est, puisque les animaux ne peuvent pas demander qu’on entende leurs propres intérêts par rapport au militantisme, les militants en font une question de propres droits libéraux, plutôt que de droits des animaux. Par exemple, lorsque des tactiques spécistes sont saluées, ou débattues comme si elles étaient parfaitement légitimes, toute atteinte à cette louange/légitimité est susceptible d’être cataloguée comme ‘fasciste’, ‘censure’, ou autre accusation antilibérale. Ces militants défendent leur droit de ‘penser par eux-mêmes’, et l’utilisent comme un droit à ne pas prendre en compte toute critique. Certains maintiennent être abolitionnistes, voir même antispécistes tout en valorisant leurs propres intérêts comme étant plus importants que ceux des autres animaux.

Si la raison nous apprend quoi que ce soit, c’est que le discours rationnel n’est pas seulement agréable à avoir, mais dans un mouvement pour des individus qui n’ont pas la parole, il est primordial d’avoir un discours rationnel. Et pas un militantisme ‘tout est permis’ qui favorise vos propres opinions au détriment des animaux, pas d’interviews où nous ‘apprenons’ quelque chose des personnes intrinsèquement spécistes qui veulent ‘aider’ les animaux d’une certaine manière plutôt que de les contester à chaque occasion. Seul le discours rationnel fonctionnera.

Rob Johnson

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