mardi 20 décembre 2011

[Traduction] Est-ce que les campagnes anti-cruauté sont réellement efficaces ?


(Traduction de l'essai de Dan Cudahy, avec son accord, "Are Anti-Cruelty Campaigns Really Effective?")


J’ai écrit cet article avec Angel Flinn, qui est directrice d'éducation pour Gentle World — une communauté d’intention vegan et organisation à but non lucratif dont l’objectif est d’aider à construire une société plus paisible, en éduquant le public par rapport aux raisons de devenir vegan, les bénéfices du véganisme, et comment faire la transition.


Cet article fut publié initialement le 24 août 2011 sur Care2.

-Dan Cudahy, auteur de Unpopular Vegan Essays

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« Il en est mille pour massacrer les branches du mal contre un qui frappe à la racine, et il se peut que celui qui consacre la plus large somme de temps et d'argent aux nécessiteux contribue le plus par sa manière de vivre à produire cette misère qu'il tâche en vain à soulager. »

~ Henry David Thoreau, Walden, Economie (Chapitre 1-E)

Pour beaucoup d’activistes se confrontant à l’exploitation animale généralisée et à la cruauté liée – de la nourriture, jusqu’à l’habillement, en passant par l’expérimentation et le divertissement – il peut parfois sembler qu'il y ait tellement de problèmes sur lesquels se concentrer que la situation apparaisse comme insurmontable.

Lorsque les militants sont incertains quant à la meilleure façon de s’occuper de ce nombre interminable de problèmes, beaucoup choisissent de se concentrer sur un problème, comme l’élimination des cages à ponte ou des cages de gestation. D’autres essayent de passer leurs heures de plaidoyer en faisant « un peu de tout ».

Comme expliqué dans S'en mettre plein les poches avec les réformes de bien-être animal, les campagnes contre des pratiques spécifiques de l’exploitation animale sont lucratives pour les groupes de bien-être animal, rapportant des dizaines de millions de dollars annuellement en se faisant passer comme les grands « régulateurs », sans but lucratif, de l’industrie. Ce genre de campagnes sont connues parmi les défenseurs des animaux en tant que campagnes ciblées, ou « CC ».

Lorsque vous combinez la motivation financière des grands groupes de bien-être animal avec le sentiment que les défenseurs des animaux expérimentent souvent en essayant de s’attaquer à tant de problèmes, le résultat est la culture actuelle dominante du mouvement de défense animale, dans lequel les efforts d’un nombre incalculable d’individus sont dispersés à travers un nombre incalculable de campagnes ciblées différentes.

Il semble clairement qu’une telle division parmi les défenseurs des animaux fasse fortement le jeu de l’industrie animale et du paradigme culturel actuel du spécisme. En contraste, un front uni d’éducation publique généralisée se concentrant sur 'pourquoi et comment devenir vegan' s’attaquerait à la racine du problème de l’exploitation en remettant en cause non seulement toutes nos utilisations des animaux, mais également l’attitude résolument spéciste de notre société.

Pour illustrer ce point, il est utile de considérer l’analogie d’un arbre. L’arbre de l’exploitation animale peut être divisé en plusieurs parties, comprenant les racines, le tronc et les branches.


  • Les racines de l’arbre – principalement cachées sous terre – représentent le spécisme sous-jacent de notre société ; le préjugé culturel contre tous les animaux (autres qu’humain) qui nous permet d’ignorer les besoins fondamentaux des autres en faveur de nos désirs triviaux. Le spécisme, comme le racisme, le sexisme, ou d’autres préjugés culturels oppressifs, ignore les caractéristiques moralement pertinentes (comme les intérêts fondamentaux de l’oppressé ou de l’exploité), en faveur de caractéristiques moralement non-pertinentes (comme l’appartenance à une espèce, à une race, à un gendre, etc..). Lorsque nous éliminons le spécisme (individuellement ou en tant que groupe), nous respectons suffisamment les intérêts des membres individuels des autres espèces pour les prendre en considération par rapport aux nôtres, et aux intérêts de tout le monde. Le résultat comportemental d’un tel respect est le véganisme – éviter les produits animaux et utilisations dans notre vie autant que raisonnablement possible.
  •  La base du tronc de l’arbre – située juste au-dessus de la surface du sol, et la fondation pour le reste de la croissance de l’arbre – représente le statut de propriété des animaux ; la structure légale qui rend socialement légal notre traitement d’êtres sentients en tant que marchandises économiques, . (Comme expliqué dans Esclavagisme légalisé au 21e siècle, le statut légal limite efficacement les réformes de bien-être à ceux qui optimisent la capacité économique d’une utilisation socialement acceptée, peu importe la cruauté de certaines pratiques.) 
  •  La partie la plus basse du tronc, là où poussent les plus grosses branches, peut représenter nos utilisations des animaux pour la nourriture, puisque l’industrie de la nourriture compte comme la plus grande majorité de l’exploitation animale. Issues de cette partie du tronc, on trouve les branches les plus importantes de l’arbre – celles qui représentent la production de produits laitiers, d’œufs, et de viande (dont le poisson) – chacune d’elle menant à d’autres branches plus petites représentant les violations de droits spécifiques associées à ces industries, comme le confinement intensif et les horribles mutilations physiques qui se produisent dans les trois cas. Les autres petites branches qui démarrent de la partie ‘nourriture’ de l’arbre représentent des pratiques moins courantes comme le gavage forcé d’oies pour produire du foie-gras. 
  •  En grimpant plus haut, au-delà des branches les plus grandes de l’industrie de la nourriture, on trouve les branches moyennes représentant les autres industries majeures de l’exploitation animale – l’expérimentation, l’habillement et le divertissement. Issues de ces branches majeures, on trouve beaucoup de branches plus petites. Par exemple, la branche qui représente les vêtements à base d’animaux bifurque en production de fourrure (qui bifurque à nouveau en problèmes tels que le massacre des phoques, les élevages pour fourrure, le piégeage sauvage, etc). L’industrie du divertissement bifurque (entre autre) en chasse à courre, qui bifurque à nouveau en battues et en chasse d’animaux en voie de disparition. Une autre excroissance de la branche principale du divertissement est le problème des animaux dans les cirques, qui bifurque alors au problème de l’utilisation de ‘bullhooks’ sur les éléphants. 
  •  Aux limites de l’arbre de l’exploitation animale, il existe une couche de branches ‘mortes’ ou ‘mourantes’, qui représentent des pratiques spécifiques qui ne sont pas économiquement optimales pour être maintenues par l’industrie. Ces pratiques comprennent le maintien de truies dans des cages de gestation, et l’abattage de poulets par électrocution (contrairement à l’abattage par atmosphère contrôlée, qui est vu aussi bien par l’industrie que par les défenseurs comme bien plus efficace d’un point de vue économique). 
  •  Puisque ces pratiques associées avec l’exploitation animale existent seulement pour répondre à la demande, les consommateurs et les utilisateurs sont la sève de chaque aspect de l’arbre. Créer la demande pour ces produits et services peut être comparé à donner de l’eau et du fertilisant à l’arbre. Réduire la demande via une population végane en augmentation retire les éléments essentiels de l’arbre de l’exploitation, sans lesquels il se desséchera certainement et finira par mourir.


Lorsque nous regardons le paradigme de l’exploitation animale de cette manière, il devient évident que le problème fatal des campagnes ciblées est qu’elles se concentrent sur  les alentours, en ignorant non seulement le tronc et les branches principales, mais les racines elles-mêmes, qui travaillent continuellement pour fournir les nutriments vitaux à chaque partie de l’arbre.

Elaguer un arbre le rend plus fort.

De manière pratique, les campagnes ciblées se concentrent principalement sur le découpage soit de petites branches soit de branches ‘mortes’, rendant de toute évidence l’arbre en meilleur santé. Même lorsque les groupes de bien-être animal tentent de couper des branches moyennes, comme celle du massacre des phoques ou de production de fourrure, ils se rendent compte que l’arbre est en assez bonne santé pour continuer à prospérer malgré la perte d’une branche vivante (ex : profitable). Si une partie de la branche est coupée ou si on l’empêche de pousser (comme ce fut le cas pour la production de fourrure dans les années 90), l’arbre reste assez grand et fort pour que – au final – ce genre de branches repousse avec une vigueur renouvelée (comme ce fut le cas avec la production de fourrure au début des années 2000). Tenter d’élaguer l’arbre non seulement n’atteint pas l’arbre à longue échéance, mais l’aide en fait à prospérer.

Les branches repoussent

Dans notre économie globale, un autre problème fatal des campagnes ciblées est que, même si elles réussissaient à couper de petites ou moyennes branches, de nouvelles branches pourraient pousser à d’autres endroits pour remplacer les branches coupées. Par exemple, si nous éliminons l’abattage des chevaux aux Etats-Unis (couper une branche moyenne), l’industrie enverra simplement les chevaux au Mexique par bateau et les abattra là-bas (nouvelle branche de remplacement). Aussi longtemps que la demande existe, l’offre et toute pratique profitable basée sur la demande se déplacera vers d’autres juridictions.

Tailler les branches aide l’arbre à prospérer

Parce que les animaux sont des propriétés et des marchandises économiques, nous avons une large divergence d’acceptation sociale par rapport au traitement des animaux. D’un côté, la loi permet une cruauté extrême pour les bénéfices économiques les plus triviaux, du moment que l’utilisation au final soit socialement acceptable. De l’autre côté, la plupart des gens seraient horrifiés de voir un chien – surtout leur chien – subir ce que les animaux élevés pour la nourriture ou utilisés dans les expériences endurent.

Les campagnes ciblées renforcent cette dichotomie irrationnelle en isolant certaines utilisations d’animaux comme si elles étaient pire que d’autres. Lorsque nous faisons campagne pour éliminer une branche de l’arbre, comme la fourrure ou le massacre des phoques, en ignorant d’autres branches, comme le cuir, les œufs, et les produits laitiers, nous envoyons comme message au public que certaines formes d’exploitation sont pires que d’autres. La campagne extrêmement célèbre  « Dites non à la fourrure » est un exemple classique. Cette campagne particulière envoie le message confus et erroné que la fourrure est d’une certaine manière pire que d’autres matières animales comme le cuir, qui est tout aussi brutal dans sa production, et pourtant bien plus répandu.

Les campagnes ciblées pourraient éviter ce problème en promouvant le véganisme et en demandant la fin de toute l’exploitation animale, mais nous ne rencontrons presque jamais de fort message vegan dans les campagnes ciblées.

La solution vegan : Déraciner et éliminer l’arbre

L’arbre de l’exploitation animale existe seulement à cause des consommateurs de produits animaux. Les consommateurs et les utilisateurs sont la sève de chaque aspect de l’arbre. Lorsque nous devenons vegan, nous supprimons notre contribution à la santé de l’arbre. Lorsque nous informons les autres sur les raisons de devenir vegan et comment le devenir, nous aidons les autres à éliminer leur contribution à la santé de l’arbre. Lorsque nous attirons notre attention sur le spécisme de notre société, nous déterrons des parties de la racine de l’arbre et les exposons au grand jour – éliminant une source supplémentaire de nutrition pour les branches.

Au fur et à mesure, pour chaque personne devenant vegan et encourageant et aidant les autres à le devenir, la santé de l’arbre diminuera constamment, entrainant la mort naturelle des branches extérieures, jusqu’à ce qu’au final l’arbre entier – et avec lui, la cruauté extrême qu’il inflige nécessairement aux innocents – ne puisse plus être capable de survivre.

Plutôt que contribuer aux efforts des mille ‘massacrant les branches’ de l’arbre (tout en le nourrissant en même temps en consommant et utilisant des produits animaux et services), nous devrions « frapper à la racine » en adoptant le véganisme et en encourageant les autres à faire de même.

Dan Cudahy

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A consulter également à propos des campagnes ciblées : 

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